Justin Ingleton sort rarement de sa tanière, mais lorsqu’il le fait, ce n’est pas pour servir la soupe aux dance-floors ou applaudir Obama. Au contraire, l’ex-Company Flow est à l’ouest de tout ce qui se fait : son rap est hardcore non parce qu’il lève le flingue, mais parce qu’il s’immisce dans les cœurs comme un poison dont on se relève mal, porté par un empilage de samples altérés, de peines arythmiques et de voix abîmées. Anguleux, rêche, escarpé, Machines… est un brûlot non daté, un trip mystique aux frontières du suicide musical, où l’on perçoit entre deux gifles la dureté de Mobb Deep ou la violence de DHR.
Obsédé par le 11-Septembre et le chaos qui a suivi, Jus y rappe une science-fiction sinistre peuplée de financiers désossés et de symbolisme occulte que raillent en chœur des peuples trahis drapés dans leur paranoïa. Une messe noire qui chante ses théories du complot sur des beats barbelés, à peine réchauffée par les flammes d’un brasier où crament en vrac Bush et Ben Laden, où le swag du billet vert que tous applaudissent passe pour un pitre. Un produit pour spécialistes, bon à se casser le cerveau plus que le cou. Occupy rap. - Les Inrocks |