La nuance existe aussi chez les producteurs electro. S’ils sont des milliers à jouer des coudes, à tenter de devenir quelqu’un, Benjamin Wynn a désormais passé ce cap et s’applique désormais à conserver sa place au sein de l’élite. En effet, sous le nom de Deru, ce résident de Los Angeles a déjà accumulé pas mal d’expériences, qu’elles soient purement discographiques ou mises au service de la télévision, du cinéma, et de la danse. On pouvait ainsi l’entendre sur la bande son de “Avatar: The Last Airbender” l’an passé, ou lors de représentations du ballet de l’Opéra de Paris en 2008 pour lequel il s’était associé avec le compositeur Joby Talbot. Ainsi, tous ont immédiatement décelé le pouvoir de son mélange d’electro, d’IDM, de dubstep et de hip hop à souligner la moindre expression artistique. Incontestablement, “Say Goodbye To Useless”, son troisième album et le premier pour le compte de Mush, va de nouveau provoquer quelques envies. Dans la lignée de ses précédents travaux, il y décline ses compositions organiques, ses ambiances fétiches - à savoir brumeuses, atmosphériques, et mélancoliques - qu’il plombe plus encore via des basses moelleuses et des beats écrasants qui, chaque fois qu’ils frappent, accentuent la belle profondeur de cet album. Mais c’est ensuite que l’Américain fait la différence: quand la plupart se contentent de soigner le détail (”Basically, Fuck You”) et de la même efficacité rythmique que celle croisée ici (”Peanut Butter & Patience”), lui n’oublie pas de saupoudrer sa musique d’une esthétique héritée de sa grande ouverture d’esprit. Ainsi, il ouvre ce “Say Goodbye To Useless” avec le chant francophone de “I Would Like”, version aérienne et ralentie du “Je Voudrais” de Jeanine Deckers (Soeurs Sourires), celle là même qu’il accélère ensuite d’un coup de pitch sur “I Want” pour en faire une véritable perle d’electro hip hop ouaté. Alors à l’apogée de son talent, Deru court ensuite tout le long de l’album pour tenter de l’égaler, sans pour autant y parvenir. Pour autant, ce disque ne souffre d’aucun déséquilibre, captivant qu’il est lorsqu’il transpire sa vision toute transversale de la musique (”Fadeaway”), ou que résonnent de récurrentes plages cotonneuses dans lesquelles on se surprend à s’enfoncer avec plaisir (”Walk”). Deru n’est pas le premier à servir ce genre de satisfactions, mais rares sont ceux dont la musique provoque aussi fortement l’état second. Car à l’écoute des 45 minutes magiques de ce “Say Goodbye To Useless”, on se laisse embarquer dans un monde parallèle ou tout le monde apprécie marcher à côté de ses pompes. A écouter très fort, et de préférence au casque pour ne rien manquer. - Mowno |